Golet de Solfatare

du 24/06 au 25/06/2023 | Carroz d’Arâches (74 - Haute-Savoie) | France

Hélène et Mahieddine du club de spéléo des Troglodytes, préparent un examen avancé de spéléo : le « monitor ». Dans ce cadre ils prévoient de descendre et équiper une grotte profonde et  peu fréquentée :  le Golet de Solfatare. Ils ont besoin d’aide pour porter les nombreux kits d’équipement et s’adresse à Fred Delègue, le pivot de la spéléo lyonnaise. Cela tombe bien, il prévoyait justement d’organiser une sortie à ce moment et débauche séance tenante Geneviève, Florent , Rémy et moi-même.

Aven, Tane, Scialet, Golet…Autant de noms vernaculaires qui désignent peu ou prou la même chose : une grotte. « Golet » a la même origine étymologique que la « gueule ». Celui-ci est qualifié de « solfatare » car son découvreur avait aperçu des fumées sortant du trou, qui lui faisaient penser aux geysers d’Islande ou d’Italie. On peut raisonnablement supposer qu’il « ne suçait pas que de la glace » comme on dit dans le Nord, car nous n’avons rien vu de fumant.

Ce Golet est lié au tout proche réseau de « la Muraille de Chine » (environ- 700 mètres…).  Il descend jusqu’à – 550 mètres, mais notre expédition devrait s’arrêter à la Rivière de la Walkyrie, un peu avant -400.

Deux groupes sont prévus : le premier – Hélène, Mahieddine, Fred et moi – apporteront le matériel et avanceront ; plus tard Geneviève, Florent et Remy nous rejoindront et nous aideront à remonter les 6 kits nécessaires.

De bonne heure nous voilà sur un parking au-delà des Carroz d’Arâches en Haute Savoie, au-dessus de la vallée d’Arve. Chargés comme des mules, nous descendons dans la forêt puis suivons vers l’aval un joli canyon asséché pendant une heure environ, désescaladant gaiement cascades et ressauts. Après avoir croisé la tôle qui recouvre l’entrée de la Muraille de Chine, nous découvrons, rive gauche à flanc de montagne, les troncs d’arbres liés par de la vieille corde qui protègent de la neige la trappe d’accès au Golet.  Mahieddine attaque aussitôt l’équipement en mode « terrain d’aventure » avec  des coinceurs, suivi et stimulé par la voix exigeante d’Hélène, pendant que Fred et moi , ne comptant pas notre peine, nous entamons courageusement  une sieste méritée. Le départ est assez long, et nous sommes rejoints par la deuxième équipe au moment où nous entrons.

Il n’y a pas de fiche d’équipement, du coup les Troglos ont préparé au mieux les kits mais un peu à l’aveugle : ils prennent maintenant des notes au fur et à mesures pour la postérité… On commence par des puits étroits suivis d’un peu de ramping ; la suite sera une succession quasi continue de puits, certains agrémentés de supports métalliques type via ferrata. Il y a beaucoup d’équipement, pas très lisibles, nous progressons lentement, il y a pas mal d’attente. Le début est visuellement un peu roboratif, du reste nous ne verrons presque aucune concrétion de la sortie. Mais au fur et à mesure les volumes sont plus esthétiques : failles étroites mais gigantesques, petite rivière suintante, et l’énorme et majestueux P60 du Drakkar Noir avec ses roches déchiquetées. Parfois nous traversons du calcaire clair, parfois plus sombre et plein de coquillages fossilisés. Des galets noirs gisent ça et là, apportés par une crue qui peut dater d’hier ou d’il y a 10 000 ans. Troll de la nuit, Méandre Rock and Roll, puit du troll Meetic, salle du troll Pinembourg…Le temps passe, nous avons explosé le timing prévu : la rivière de la Valkyrie était un objectif trop ambitieux, nous avons quasiment épuisé notre stock de cordes et d’amarrages. Les plus vaillants traversent la Passage Beluga, sorte de toboggan couvert d’une mousse calcaire blanche, puis il faut penser au retour. Il est déjà très tard et nous avons plus de 300 m de cordes à remonter et déséquiper. Le P 34 puis très vite le P60 : heureusement que nous sommes tous motivés ! Mais le manque de sommeil et la fatigue commencent à peser ; certains n’avancent plus qu’en mode somnambule en se demandant ce qu’ils sont venus faire dans cette galère. Les kits pèsent, je perds en route une coque de chaussure et ma couverture de survie qu’Hélène avait déjà qualifiée de ridiculement trop petite.

Quand nous arrivons tous au dehors la nuit est déjà bien avancée et les étoiles scintillent au-dessus des sapins : il est 3h et nous devons encore remonter le canyon à la torche. Les demoiselles malgré leur courage et leur endurance commencent à trébucher à chaque pas : galamment  nous prenons leur kit en feignant une énergie inépuisable pour masquer notre fatigue. A 4h 20 nous sommes de retour  au parking. Hélène s’écroule au sol face contre terre, maudissant les Dieux de la spéléologie, mais c’est une guerrière et 5 minutes plus tard elle est à nouveau fraîche comme un gardon…Enfin presque.

Le temps de nous changer et le jour commence à se lever : les étoiles disparaissent, on ne voit plus que Vénus au-dessus des sommets enneigés.

Rémy avait juré à sa chère et tendre qu’il serait de retour avant minuit : malgré ses yeux embrumés il prend la route aussitôt pour limiter la casse…

Retour au bivouac (la pelouse d’un terrain de golf…), installation rapide sous un sapin : il est 5h15, Paris s’éveille et les spéléos s’endorment.

Le lendemain : lever tôt, petit déjeuner  tranquille puis nettoyage des cordes dans une rivière.

Un piquenique, un café – et une glace pour les gourmands- au village le plus proche, et il est temps de se séparer pour rentrer. Je fais la route avec Geneviève et Florent. Comme de bons spéléos on se demande par quel miracle on peut tirer autant de plaisir à autant souffrir. Nos ancêtres ont lutté ardemment pour rendre notre monde plein de canapés moelleux et d’innombrables séries télévisées, et pourtant les humains s’acharnent à retourner dans le froid, l’humide, le dangereux et le fatiguant, c’est à n’y rien comprendre.

Profondeur max atteinte: -310 mètres

 

TPST 14h30

Participants à l'activité

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