La plongée au fond du JB avait été annulée la semaine dernière, mais pas l’envie d’en découdre avec le massif ! Nous étions finalement huit motivés pour une belle sortie dans le réseau du Solitaire, avec beaucoup de premières, mais aussi beaucoup d’aventures !
Le CR est long, bravo à ceux qui auront la motivation de lire jusqu’au bout. La topographie suivra un peu plus tard.
Vendredi 11 novembre
Pour une fois, la montée se fait de jour et sans pression. Seuls Arnaud et Théo nous rejoignent à 21 h 30, mais à leur grande stupeur, ils nous trouvent déjà tous couchés !
Samedi 12 novembre
Leur deuxième grande stupeur vient du réveil qui sonne à 7 h 30 du matin… Arnaud se dit que plus jamais il ne montera sur le massif sans la présence salvatrice de Xa pour sauver un tant soit peu de grasse matinée…
Nous décollons du chalet vers 9 h 30 après avoir bataillé vainement contre le DistoX2 de Cédric… C’est le DistoX2 qui a gagné, il restera tranquillement au chalet en attendant que nous nous soyons défoulés dans le Jean-Bernard.
Nous sommes huit et faisons trois équipes : Arnaud et Théo vont dans l’affluent des Œufs pour finir de fouiller une zone entrevue lors de la dernière sortie et pour revoir le terminus amont. Fred, Stéphane D, Lucie et Alexandre vont dans la zone du puits de la salle du Chaos pour explorer des puits qui devraient shunter un passage actuellement particulièrement boueux. Cédric et moi partons pour explorer la suite dans l’aval.
La suite se déroule en plusieurs actes :
Acte 1 : La descente
Arnaud et Théo partent en premier et passent par le puits Alain en déséquipant la vire aérienne. Ils arrivent rapidement dans la zone du carrefour Daniel et attaquent la topographie et l’exploration.
Cédric et moi enquillons ensuite. Nous prenons le shunt de la galerie PIXA. Arrivés à la base de celle-ci, nous nous trompons de direction et prenons à droite. C’est plus court sur la topo, mais c’est en fait une succession de petits toboggans glaiseux et exposés. Nous hésitons, mais finissons par continuer par là et jouons aux chamois pour rattraper la galerie principale. Nous parcourons ensuite tout le réseau du solitaire et arrivons rapidement au terminus, vers -300 m. Nous récupérons deux cordes en passant et ré-équipons le dernier P7 pour qu’il soit plus confortable. Nous faisons une pause bouffe avant d’attaquer la suite de l’exploration.
Fred, Stéphane D, Lucie et Alexandre descendent en dernier. Ils prennent le shunt et tournent bien à gauche (eux !). Tout le monde avance bien et ils arrivent sur la zone des puits de la salle du Chaos sans soucis.
Acte 2 : Au boulot !
Arnaud et Théo attaquent la topo d’une boucle dans la partie basse du méandre des Œufs puis passent aux choses sérieuses et explorent un affluent remontant. Ils remontent une succession de ressauts et d’escalades. Ils s’arrêtent sur une nouvelle escalade de 10 m par manque de corde. La suite continue, toujours aussi belle, environ 1,5 m de large pour 2 à 3 m de haut. Ils lèvent environ 177 m de topographie en tout.
Au retour, ils attendent au carrefour Daniel des news du reste de l’équipe. Dès le contact à la voix effectué avec Lucie et Alexandre, ils remontent dans la foulée sans encombre.
Fred, Stéphane D, Lucie et Alexandre se séparent dans la salle du Chaos : Fred explore et équipe les nouveaux puits tandis que le reste de l’équipe se restaure. Les puits jonctionnent bien à l’endroit prévu et seront bien plus confortable que les anciens puits ! Il manque juste une corde pour équiper un ressaut scabreux avant les puits… Ce n’est pas grave, elle sera mise la prochaine fois. La topo de la zone est levée (47 m). Avant de remonter, Fred rejoint succinctement l’équipe du fond tandis que Stéphane D. et Alexandre progressent un peu dans la suite. Ils remontent ensuite tous ensemble.
Cedric et moi attaquons l’explo. Nous sommes surpris par le courant d’air aspirant de la zone. Nous équipons et descendons un premier P8 qui donne dans une jolie salle. Le volume part en hauteur, mais nous continuons à niveau dans un méandre à quatre pattes sur une vingtaine de mètres. Ce n’est pas très engageant. Mais celui-ci débouche brusquement dans une superbe conduite forcée de 4 m de diamètre. On se croirait dans le réseau des Aiguilles ! La conduite forcée vient de l’amont, mais nous continuons vers l’aval. Nous équipons une vire pour éviter un puits sur le côté au point bas de la conduite forcée (joli puits à descendre). La conduite forcée remonte brusquement et nous débouchons rapidement en balcon au-dessus d’un grand volume. Un départ semble venir de la rive droite au sommet de la galerie. Le sol est constellé de crottes des chauves-souris. Nous trouvons même une araignée morte. Plutôt que de descendre par le balcon, nous revenons sur nos pas et nous engageons dans le méandre surcreusant la conduite. Après un R5, nous débouchons à la base du grand volume. C’est une superbe galerie de 20 m de haut par 6 m de large. C’est impressionnant ! 20 m plus loin, nous nous réengageons dans un méandre mais le volume continue en hauteur. Le méandre est confortable et débouche sur un P3, puis un P7 une trentaine de mètres plus loin. Nous retrouvons l’intégralité du volume. Décidément, on commence à se dire qu’une belle galerie comme ça qui continuerait directement jusqu’à -900 m, ce ne serait pas mal ! Une trentaine de mètres plus loin, nous équipons un R6. La galerie se redivise en deux, mais la partie inférieure est rapidement colmatée. Nous sortons les Pulses et attaquons une escalade de 6 m pour atteindre la suite de la grande galerie en hauteur.
A ce moment, Fred nous rejoint et nous annonce qu’il a bien équipé les nouveaux puits de la salle du Chaos et que cela shunte la partie glaiseuse. Nous nous mettons d’accord pour que nous déséquipions les anciens puits glaiseux en remontant. Fred repart pour attaquer la remontée avec le reste de l’équipe.
Avec Cédric, nous poursuivons l’explo. Une nouvelle salle ébouleuse suit l’escalade. C’est plus chaotique, et la galerie reprend une forme de méandre. Nous évoluons au sommet et équipons une main-courante pour éviter un élargissement du méandre. Nous arrivons à bout de matos. Quelques mètres plus loin, nous rebutons sur un puits et n’avons assez de batterie que pour poser un seul des deux amarrages qui nous reste… De toute manière, il ne nous restait que 10 m de corde… Bref ! Il est temps de faire demi-tour !
Nous attaquons la topo au retour. Les visées sont belles, mais on y passe quand même du temps. Nous explorons l’amont de la conduite forcée, qui redonne dans la première salle explorée. On pourra envisager d’équiper les accès aux grandes galeries supérieurs si les méandres deviennent trop pénibles.
Nous finissons enfin la topo (469 m !) en économisant la dernière barre de batterie du DistoX2. Mais ouf ! On y arrive enfin. Nous refaisons une pause bouffe avant de remonter.
Acte 3 : La remontée
Arnaud et Théo remontent et sortent sans encombre du V4 vers 23 h.
Fred, Stéphane D, Lucie et Alexandre remontent sans encombre et arrivent au sommet du puits des Savoyards vers minuit.
Cédric et moi remontons sans encombre les cinquante premiers mètres. Arrivés à la base des puits de la salle du chaos, nous nous séparons. Cédric passe par les nouveaux puits avec le matos, tandis que je repasse par les puits glaiseux en déséquipant derrière moi. Les puits sont en réalités situés sur la même faille et nous nous voyons et discutons ensemble au sommet de nos premières cordes respectives. Tout va bien. Quasiment au sommet des puits, nous nous revoyons. Nous discutons. Je dis à Cedric qu’il ne me reste plus que quelques mètres à monter et une vire à déséquiper. Il me répond qu’il est au sommet de ses puits. Tout va bien, nous devons être à une quinzaine de mètres l’un de l’autre. On devrait faire la jonction dans les minutes à venir.
En pratique, nous ne nous reverrons que trois heures plus tard…
Ma version : “Loneliness in JB !”
De mon côté, je finis de remonter les puits et galère un peu plus que prévu pour déséquiper la main-courante. J’arrive donc à la jonction prévue avec Cédric une quinzaine de minutes plus tard. Je ne vois personne. Je lance un cri Vulcain et entend une réponse, mais en amont dans le méandre dans le sens du retour… Cédric serait déjà reparti plus haut ? Je trouve ça bizarre. Je finis de ranger mes cordes en vrac et relance un cri. Nouvelle réponse, mais venant de encore plus loin. Ce n’est pas logique… C’est peut-être l’autre équipe qui serait en train de remonter ?!? Si c’est Cédric, pourquoi continuerait-il à avancer ? J’attends un peu et relance un cri. Plus de réponse… Bon, j’ai un kit plein de corde glaiseuses dans mon sac et je sais qu’il y a un bel actif peu après. Je remonte donc de deux ressauts et me pose avec tout mon bordel. Nouveau cri Vulcain. Pas de réponse. Je défais le kit et attaque méthodiquement de défaire tous les nœuds et de nettoyer toutes les cordes et amarrages. Je me dis que ça laissera le temps à Cédric de me rejoindre s’il s’avérait qu’il était encore derrière moi. Je dois y consacrer environ une heure… Tout fini par être propre et lové, mais toujours pas de signe de Cédric. Nouveau cri sans réponse… Je finis par me convaincre que c’était bien lui qui était remonté avant moi. Peut-être n’avait-il pas reconnu la zone et m’attend un peu plus haut, vers la douche, très caractéristique ? Un dernier cri au cas où, en vain.
J’attaque donc la remontée. J’arrive peu après à la douche. Pas de Cédric. Je commence à me poser de très sérieuses questions ! Est-il devant moi ? Pourquoi ne m’aurait-il pas attendu ? Il n’y a pas de raison ! En même temps, s’il est encore derrière moi, je suis moi-même en train de remonter sans l’attendre… Peut-être croit-il que je suis devant lui ?!? Bref, j’hésite à redescendre, mais me dit que si effectivement il est devant, il s’inquiètera de ne pas me voir arriver. S’il est derrière, pourquoi ne m’a t-il pas encore rejoint ?
J’accélère donc le pas pour remonter au plus vite et tenter de faire la jonction avec Cédric, ou a minima l’autre équipe. Mais la fatigue se fait sentir, et se sentir seul dans le JB, c’est toujours impressionnant. Pas question de glisser dans les multiples oppositions du réseau ! Cédric doit au mieux être dans le même cas que moi… Bon, je lui fais confiance. J’hésite en peu dans la zone de jonction du puits Alain, mais fini par trouver le bon chemin. Je passe par la galerie PIXA et rattrape du monde au niveau du puits du Savoyard. Je vois Fred. « Tu as vu Cédric ?!? ». Au moment de poser la question, je connais déjà la réponse. Et merde… Les scénarios s’enchainent dans ma tête, et beaucoup ne sont vraiment pas sympa à envisager.
Il est minuit, cela fait 13 h que nous sommes sous terre. Nous discutons avec Fred. La décision n’est pas facile à prendre. Nous décidons de laisser Stéphane D., Lucie et Alexandre ressortir seuls. Nous leur laissons des consignes pour déclencher un secours sans nouvelles de notre part à 5 h du matin. Nous prenons ce qui nous reste de nourriture, eau et réchaud et décidons de retourner dans la zone des puits de la salle du Chaos pour tenter de retrouver Cédric. En bas de la galerie Pixa, nous décidons de nous séparer pour être sûrs de ne pas croiser Cédric par inadvertance : Fred prend le chemin normal à gauche et je reprends par les toboggans exposés à droite… Arrivé dans le réseau principal, j’entends du bruit : Cédric était effectivement déjà dans la zone et il est tombé sur Fred. Ouf !!! Gros gros soulagement, la pression retombe d’un coup !!!
La version de Cédric : « Lost in JB ! »
« Je quitte Stéphane pour aller à la première corde de remontée. Je lui gueule que c’est bon, nous ne sommes pas si loin l’un de l’autre…
J’attaque la remontée, 1, 2, 3 puits qui s’enchainent simplement, proprement… Ca change de l’accès que Stéphane est en train de déséquiper, qui est pénible et boueux. J’arrive enfin sur une margelle avec une main courante. J’ai le choix, une belle galerie continue tout droit, et un pan incliné monte à gauche. Je tente la galerie, je vois des traces … Ca continue et j’arrive sur un cairn au pied d’une pente de boue. Pas de suite évidente…
Je retourne sur mes pas, et je tente la pente de gauche… Je monte le long de la pente, il ne faut pas glisser, le puits est en contrebas. Dans ma tête, je me dis que ce n’est pas possible que ce soit par là… Si c’était par-là, il y aurait une corde…
Arrivé au 3/4 de la pente, j’aperçois Stéphane à travers une lucarne dans la roche… Nous ne sommes vraiment pas loin, 20 à 30 m l’un de l’autre… Nous nous parlons, et il me dit être a moins de 5 m du sommet. Moi, de mon côté, je ne vois pas où est la suite…
Je retourne dans la galerie, tenter ma chance dans le plan incliné boueux, j’ai l’impression que c’est quand même moins exposé. Arrivé en bas, je cherche un passage pour gagner des mètres dans la pente… je glisse un petit coup d’oeil mais pas de suite là-haut non plus… Pourtant, Fred nous a dit avoir fait un cairn à la sortie du nouvel accès… et il y a bien un cairn ici !! mais je ne vois pas de suite.
Bon, je retourne sur mes pas… J’entends le cri du Vulcain, c’est Stéphane qui m’appelle…. Je réponds en criant aussi… Je réponds encore, et je retente de remonter la pente… Je m’enquille dans une petite lucarne sur la gauche… Ca donne sur un passage très (trop) exposé pour être passé en libre. Je fouille, mais pas de suite. Je ne reconnais pas la cavité…
Je reviens sur mes pas, au niveau de la main courante… Dans ma tête, je commence à me dire que je n’ai pas pris les bonnes cordes de remontée, ou que j’ai loupé un passage en dessous… Et que je suis dans une zone encore en exploration, et non sur le chemin de la remontée… Je me dis aussi que les cordes ont pu être remontées et lovées. J’attends un peu, j’espère que Stéphane trouvera le passage de l’autre coté, pour venir à ma rencontre, afin de trouver la partie qui manque.
30 min passent… Je retourne du côté du cairn, vers la pente de boue, espérant voir sa lumière… Rien. Je reviens sur mes pas et j’appelle… Mais pas de réponse…
Je recommence à parcourir toute la zone où j’hésite, en criant régulièrement… Toujours pas de réponse.
Je me dis que Stéphane n’a pas trouvé le passage pour me rejoindre, ou bien qu’il pense que je suis déjà remonté…
Je me souviens de la topographie, vaguement… pour moi, il y a pas plus de 40/50 m à faire pour retrouver le passage… Je tente à nouveau la pente, qui me devient familière… Je l’ai déjà parcouru 3 ou 4 fois ! Ce coup-ci, je me décale complètement sur la droite, pour aller le plus haut possible, et ça passe ! YES ! je redescends vers une petite cascade, il me semble reconnaitre le chemin. Je poursuis et je tombe sur les cordes lovées de Stéphane, bien propres… sans son Kit. Je me dis qu’il est effectivement remonté. Il faut que j’y aille aussi… J’attaque la remonté, sans hésitation sur le cheminement.
Seul point inquiétant, il y a un passage plus loin avec une boucle… Si Stéphane redescend, nous pouvons nous croiser, et pour lui se serait direction le fond… J’arrive à la bifurcation, et je prends le passage le plus simple. J’entends rapidement du bruit : je cris ! C’est Fred ! « T’as vu Stéphane ? » est ma première question ! OUF, il est bien là, il a rattrapé Fred et ensemble, ils sont redescendu de chaque côté. MERCI les Copains ! »
Nous nous retrouvons tous les 3, et nous attaquons la dernière partie de la remontée. Nous sortons du trou vers 2 h du matin, bien cuit… Les autres sont tous bien ressortis, ouf !
TPST : Entre 11 h et 15 h.
Dimanche 13 novembre
Nous nous couchons tous vers 4 h du matin pour un réveil à 8 h 30. Nous avons du gros boulot de nettoyage du matos, de rangement et d’hivernage du chalet… Ouf c’est fait ! Voiture, train, tout le monde rentre chez lui bien content du week-end.
Conclusions de l’histoire :
- Nous avons longuement débriefé de ce qui s’était passé et du pourquoi nous nous sommes retrouvés dans cette situation : une erreur de jugement (remonter par un chemin inconnu en se séparant), un manque de matériel (qui à empêcher Fred d’équiper le dernier ressaut que Cédric n’avais pas osé remonter au premier abord), une incompréhension entre nous deux (Cédric qui me demande par où passer alors que je comprend que tout va bien), de la fatigue (mais pourquoi n’ai-je pas pris la peine de redescendre tout de suite après avoir lavé les cordes)… Bref, une multitudes de causes, mais qui montre qu’il faut toujours rester très vigilants à tout moment pour limiter les risques !
- Une très belle sortie d’explorationss avec tout de même au total 693 m de premières topographiées, ce n’est pas rien !
- Vers l’aval, la galerie est belle et continue ! Nous la nommons « galerie des Solitarisés » ; Vivement que l’on y retourne !
- Un grand chapeau à Lucie et Alexandre pour leur « initiation » au JB, ils se sont débrouillés comme des chefs !!!
J’ai une autre approche: ne jamais laisser quelqu’un seul sous terre.