Depuis la dernière sortie plongée au fond du Gouffre Jean-Bernard, il avait été décidé de 1) sortir tout le merdier du S1 et de le rééquiper proprement en cablette inox, et 2) d’élargir l’oeil étroit après la salle des Crêpes. C’est finalement ce weekend que toutes les conditions ont été réunie : temps magnifique, risque avalanches faible, et une équipe d’enfer sur le pied de guerre !
Vendredi 14 janvier
J’ai passé la nuit sur Morillon. Le matin, je passe à la gendarmerie de Samoëns pour déposer la demande d’achat d’explosif pour le club. Pas de bol, ils n’y reçoivent plus le public, il faut aller péter à Taninges. A ce moment là, je reçois un message de Lolo « Finalement, nous ne serons pas au parking à 10 h 30, mais à 11 h 45 ». Du coup, j’ai du temps, je vais visiter la gendarmerie de Taninges, et ça y est, le bon de commande est déposé.
Je monte au parking du bas, mais la route est très verglacée, je glisse pas mal, alors, je fais demi-tour pour me garer à la résurgence des Fontaines. Pendant que je prépare mon sac, Arno et Lolo arrivent, puis me montent au parking. Nous partons vers 13 h de la voiture. La montée est bonne (peu de neige, la trace était bien faite jusqu’au virage de la source des Eaux Froides), mais pas rapide parce que nous sommes un peu chargés. Nous arrivons au refuge vers 15 h. Nous y faisons une bonne pause pour recharger les batteries, faire nos kits, et attendre le reste de l’équipe. Arne et Cédric arrivent un peu avant 17 h, au moment où le soleil arrive sur le refuge. Dans la monté, Cédric s’est fait une ampoule à chaque pied. Il sait qu’il va déguster tout le weekend !
Steph, Oliv et Antoine arrive 15 min plus tard. Nous faisons le point matos : 50 m de cordes, amarrages, 2 bouteilles de plongée, 4 détendeurs, 2 perfos, le boum, 6 batterie de perfo, les mèches qui vont avec, et puis bien sûr, les duvets, et la bouffe pour deux nuits de bivouac. pourquoi deux perfos ? Nous prévoyons un perfo pour chatouiller l’étroiture en aval de la salle des Crêpes, et un second pour effectuer deux escalades avant le siphon, ainsi que celle à la sortie du S1 si la montre nous le permet.
Lolo, Arno, Arne, Olive et moi montons au V4b en faisant la trace. Heureusement, la neige n’est pas si profonde que ça, et sur le haut, elle est bien croutée par le vent. Nous mettons 1 h 15 pour arriver au trou. Nous sommes rapidement rejoins par les autres. Antoine et Steph en ont chié en suivant nos traces de raquettes parce qu’ils sont en ski. Mais bon, quand on aime ça, pourquoi s’en priver…
Finalement, nous entrons sous terre en même temps à 20 h 30, direction le bivouac -500. Nous sommes tous bien fatigués de la montée, et avons des kits bien chargés. Mais la descente se passe bien, et nous arrivons au bivouac vers 22 h 30. Nous nous faisons la remarque qu’il y a pas mal d’eau dans la rivière, nous nous mouillons bien à la descente. Le temps de se restaurer un peu, nous nous couchons à 23 h 30, bien fatigués de la journée. En effet, enchainer la montée puis la descente dans l’après midi et la soirée, c’est quand même un peu rude…
Samedi 15 janvier
Cédric nous lève à 8 h 20. Nous avons tous passé une nuit assez correcte malgré l’humidité des combinaisons. Nous refaisons les kits, et à 10 h, nous partons du bivouac en direction du fond. Je découvre le nouvel équipement de la cascade de la Toussaint (je n’ai pas du mettre les pieds en dessous de la Gourance depuis 8 ou 9 ans), ainsi que le nouvel équipement du puits du Cheneau. Je ne vais pas dire que ça passe comme une lettre à la poste, mais c’est quand même vachement mieux que l’équipement historique… Nous arrivons au bivouac -900 m vers 12 h. Nous n’avons pas trainé dans la descente. Antoine et Arno, dans la rivière, sortent la massette pour casser les quelques lames accrocheuses.
Nous nous y restaurons, finissons de remplir nos kits, puis continuons à descendre. Personnellement, je ne connais pas la suite en aval du Bivouac. Arrivé à l’étroiture qui suit la salle des Crêpes, je dois enlever mon baudrier et expirer pour passer. Heureusement que ça glisse et que c’est court ! Une fois tout le monde passé, nous nous divisons. Arno et Olive effectuent une escalade à la base du P8. Moi, je garde un perfo et quatre batterie, et commence à parler le Caillou. Il faut bien expliquer à la roche qu’elle n’est pas toujours à sa place, et que ce serait bien qu’elle s’écarte un peu. Je fais dix trous de 12 mm de diamètre pour 600 m de long, puis je les charge directement au gros cordeau. Le courant d’air (du fond vers le bivouac) est impressionnant. Ca veut dire qu’il y a quelque chose à trouver entre le bivouac et le siphon…
Pendant ce temps, Cédric, Steph, Arne et moi filons vers le siphon avec les kits, et en récupérant le matos de plongée suspendu en haut de l’avant dernier puits, matos qui n’a pas souffert des crues, fort heureusement. Arrivés au siphon, Cédric s’équipe en plongeur pour sortir le merdier du siphon. Steph en bord de siphon récupère le merdier, je le met en kit et Arne tente d’ouvrir les trois bouteilles des bulgares pour en faire sortir l’eau. Une fois le merdier sorti, une cablette inox est mise en place. En 1 h le siphon et les abords du siphon sont passés de l’état « poubelle » à l’état « joli, clair et net » !Je dis Poubelle parce que nous avons trouvé : des palmes, des chaussures, des lampes, des batteries, du fil téléphone, du fil électrique, de la corde en pagaille, des plaques, des bouteilles, et des choses indéfinissables… 4 kits blindés en tout !
Antoine a suivi l’équipe « siphon » muni d’une massette et d’un burin pour casser les lames et agrandir/améliorer autant que faire se peut le cheminement (pas facile), tout en se disant à chaque écaille « Encore une de plus que Xav n’aura pas ! ». Il rejoint l’équipe siphon au moment au Cédric sort de l’eau.
Une fois Cédric changé et réchauffé, la galère du remontage des huit kits à cinq commence. La chaîne semble vite la meilleure option tant le passage est merdique et les kits -trop- lourds.
Olive et Arno me rejoignent. L’escalade est terminée, ils se sont arrêtés sur du remplissage, mais avec du courant d’air soufflant. Olive prend une corde et remonte une partie du matos de désob au bivouac par la galerie topographiée il y a 2 ans par Fred D. et Lolo, afin d’équiper la traversée au dessus du bivouac. Arno récupère mon matos topo, pour topographier l’escalade. Je le rejoins quelque temps après, nous prenons les kits avec le matériel qu’il nous reste, et nous allons vers le siphon en cherchant notre chemin, ce n’est pas si simple de trouver le meilleur passage, malgré les quelques flèches. Il faudrait mettre quelques bandes de scotch réfléchissant aux points clefs. Après une zone un peu complexe, nous arrivons sur une étroiture que je n’arrive pas à franchir. Tant pis, je me mets en mode attente, et Arno continue rejoindre les autres avec nos deux kits. Je l’entends pester pas mal de fois ! La suite a l’air aussi assez sévère. Puis Olive revient du Bivouac, et part lui aussi vers le siphon.
Je profite de mon attente pour visiter les lieux. Je n’ai pas la topo avec moi, mais j’ai l’impression qu’il manque pas mal de choses sur la topo… Je trouve notamment une belle cheminée remontante, que je n’ose pas escalader (escalade facile, bon rocher accrocheur) étant tout seul, mais ça vaudrait le coup de revisiter toute la zone avec une corde, quelques pulses, et le matos topo. Après vérification sur la topo, le départ est bien indiqué, mais avec un point d’interrogation.
Je laisse de nouveau la parole à Laurence :
Arrivés au second puits, Arnauld nous rejoint, puis Olivier. Les kits sont remontés par palan, les kits de plongée et le matos spéléo (cordes amarrages) sont stockés à la même place qu’à notre arrivée et un inventaire est fait. Deux kits vides nous permettent d’alléger certains kits : 1 bouteille par kit, c’est mieux que 2, tu souffriras moins ! Nous repartons vers -900 m, doucement mais sûrement dans cette succession d’étroitures : 7 spéléos, 8 kits… plus une bouteille par ci, retrouvaille avec Xa (tiens un kit pour toi !), plus une échelle par là…
Effectivement, 1 h après le passage d’Olive, j’entends le reste de l’équipe remonter. Ils sont bien chargés : Cédric a plongé le S1, il l’a nettoyé de tout ce qui trainait, et il a installé une cablette. Au bord de la vasque, il ne reste plus de bouteille des bulgares. A la sortie du S1, il reste une paire de palmes et un truc sans nom à ressortir du siphon. La visibilité était bien meilleure que lors de la plongée précédente, ce qui est plutôt très bon signe pour les futures plongées ! Mais dans les kits qui remontent, il y a de vieilles bouteilles de plongées pleines d’eau, des lampes étanches pleines d’eau avec leur batteries plomb d’époque, deux écriteaux en métal de l’expédition qui a laissé le merdier au fond, écriteaux qui devait être destiné à être posé au terminus du gouffre pour montrer qu’ils y sont allés, et tout un tas d’autre merdier.
Au bord du siphon, Cédric a éclaté ses chaussures Mic Canyon. Elles sont inutilisables. Heureusement, il trouve une paire de chaussures de canyon Millet dans le tas de merde des Bulgares. Elles lui vont, il fait donc un échange standard.
Je récupère un kit, puis nous remontons au bivouac -900 pour déposer tous les déchets. Il seront à remonter lors d’une prochaine dépollution. Nous nous sustentons, et vers 22 h 30, nous partons en direction du bivouac -500 par équipes de deux décalées. Avant de partir, Laurence et Olive font l’inventaire du bivouac -900 Arno fait le tir, nous verrons le résultat la prochaine fois.
Nous arrivons au Bivouac -500 à 2 h du mat. Ca nous fait quand même 16 h de travail bourrinage effectif et intensif dans les pattes pour la journée, c’est pas mal. Les prévisions de Steph était excellentes. Seules les deux escalades bonus n’ont pas été faites par manque de temps. Nous nous couchons à 3 h, bien crevés. Nous sommes encore plus mouillés que la veille. Personnellement, je passe plus la nuit en grelottant qu’en dormant…
Dimanche 16 janvier
7 h. Cédric sonne le réveil de tout le monde. Ca pique. J’ai déjà des courbatures de la veille, je suis raide comme un piquet, j’ai mal partout. Nous mangeons, rangeons le bivouac, faisons l’inventaire du Bivouac, chargeons les kits ras la gueule, puis remontons, encore en équipes de deux décalées. Nous partons entre 9 h et 9 h 30. Nous remontons sans trop de temps d’attente. Les nouvelles chaussures de Cédric commencent à se décomposer dans le Puits Alain. Il termine le toboggan de sortie dans la neige en chaussons néoprènes. A 14 h, nous sommes tous dehors. Nous sommes à l’ombre, il y a un petit vent qui termine de nous transformer en glaçons, nous ne trainons pas, et arrivons au refuge à 15 h.
1 h 30 plus tard, nous avons trié le matériel, refais nos sacs, bu un truc chaud, et nous commençons à descendre doucement vers le parking, en profitant du soleil que nous avons une bonne partie de la descente. Nous comprenons aussi pourquoi nous avons eu de l’eau sous terre : la neige font tout de même assez vite, et nous devons quitter les raquettes et les skis assez rapidement dans la descente.
Nous revenons sur la Suisse, Lyon et Grenoble dans les bouchons des retours de stations de ski. J’arrive chez moi à 21 h 30, plein de courbatures.
Bilan
C’était une super sortie, mais quand même, enchaîner la monté au trou du bas plus la descente à -500 m, c’est rude. Probablement que monter la veille au refuge, ça permettrait de se faire un peu moins mal. Finalement, nous avons fait pas mal de boulot au fond. C’était bien d’être nombreux, et surtout une équipe soudée. Quand est-ce qu’on y retourne ? Il y a encore pas mal de choses à revoir au fond !
J’ai probablement oublié pas mal de choses dans ce CR, ne pas hésiter à le corriger et/ou le compléter !
Je ne peux pas vous dire combien de topographie a été levée (15 – 20 m ?), j’ai oublié les notes dans ma sacoche au refuge. Il faudra attendre la prochaine montée !
Un excellente chose de faite : le S1 est entièrement dépollué, et la quasi totalité du merdier a été remonté au bivouac -900 m. C’est une bonne chose parce que remonter le merdier du Bivouac -900 ou du siphon, ce n’est pas du tout la même chose. Maintenant, c’est même possible de remonter des kits en aller-retour, sans bivouaquer, et dans un temps raisonnable (12-14 h). Franchement, un grand bravo aux plongeurs pour ce travail, et bien entendu aussi aux porteurs parce que le réseau de Sezhommes n’est vraiment pas anodin.
En terme de désobstruction, normalement, l’étroiture qui suit la salle de Crêpes ne devrait plus exister. Je ne dis pas qu’on passera à 4 pattes, mais ça ne devrait plus trop frotter. A voir au prochain coup. Maintenant, il faudrait claquer l’étroiture qui m’a arrêté, plus en aval. Il n’y aurait pas beaucoup de travail pour le faire.
Ce qui m’a étonné, c’est que nous avions du courant d’air très sensible du bas vers l’amont dans tout le réseau de Sezhommes. Pourquoi ? J’ai du mal à comprendre que cela puisse être à cause de la nature labyrinthique du réseau. Idem, je doute que ce soit lié au collecteur vu qu’il est en dessous, plutôt en fonctionnement noyé (voir les explos à l’aval de la trémie de la Nuit Blanche). La seule solution que j’entrevois, c’est qu’il y aurait une « petite » (?) sortie vers l’extérieur, mais avec un bon goulot d’étranglement pour limiter le débit d’air. C’est pourquoi, je pense qu’il serait intéressant de revoir tout ce réseau, avec un matos topo, pour fouiller tous les départs les uns après les autres, et marquer le sens du courant d’air s’il y a, voir, si c’est possible, de noter la vitesse/débit du courant d’air, afin de tenter de faire un bilan sur le réseau.
Enfin, un dernier paragraphe pour parler de l’équipement. La prochaine fois qu’une équipe descend vers l’aval, il y a pas mal de travail à faire, l’équipement vieillit à vitesse grand V :
- Rééquiper la zone d’entrée du V4b, l’équipement actuel est sécu, mais super inconfortable, il convient pour des personnes qui ont la caisse et que ne sont ni chargées, ni cramées (MC tire-bras, tête de puits difficilement atteignables,…). Ca, ça peut se faire à n’importe quelle saison.
- Entre la cascade Jean Dupont et -500 m, il faudrait changer quelques cordes qui commencent à se toncher, voir peut-être rééquiper les quelques puits et ressauts qui sont (très) mal équipés (il y en a quelques uns…) pour d’une part éviter les douches, et surtout pour rendre la progression plus confortable.
- Dans le fossile allant vers la Gourance, la corde du P11 est dans un état déplorable. Nous avons sécurisé une belle tonche, mais il y en a 2 autres en formation à proximité… C’est urgent.
- Dans le toboggan qui descend au puits du Chêneau, il faudrait changer toute la corde : elle est tonchée multiplement, ça devient difficile de descendre sur les cordes tendues.
Enfin, à la remontée, dans le méandre qui descend de la salle Delacour et qui s’est ouvert, nous avons eu l’impression qu’il s’est bien ouvert, et que c’est du à du courant d’air. Ca vaudrait le coup d’y mettre une corde pour voir s’il n’y a pas un départ. Aux erreurs topo près, ça pourrait tomber dans le méandre des Oeufs… Ca ferait de la première à 2 min de l’entrée…