En 2023 nous avions programmé une sortie dans le réseau des Chuats, mais au dernier moment la météo humide nous avait contraints à nous rabattre sur la Tanne des Oubliés vers le plateau des Glières.
En 2024 nous organisons à nouveau un week-end aux Chuats, mais cette fois encore la pluie est là… Au dernier moment, Fred D., jamais à court d’idées, propose la grotte Vallier. Mais que les Chuats ne se bercent pas d’illusions: nous reviendrons, un jour il fera beau !
Samedi matin nous sommes 5 à prendre la route depuis le Décathlon de Bron: Fred D, Fred A, Stéphane D., Florent et moi-même. Patou nous retrouve vers Grenoble: elle souhaite faire la marche d’approche mais n’ira pas dans la grotte. Nous gagnons un parking vers l’auberge des 3 Pucelles, c’est parti pour une bonne heure et demie de marche sur le flanc Est du Moucherotte. Il y a du dénivelé, nous ahanons, mais parvenons au pied des falaises où une corde en fixe nous aide à atteindre le porche de la grotte. Le seuil est vaste, la vue magnifique: on voit la vallée de Grenoble, le Grésivaudan, la ville qui s’étale à nos pieds, nous sommes à 1520 m d’altitude.
Un petit repas et nous entrons sous terre vers midi. La grotte Vallier est un réseau karstique dit « fossile » depuis qu’il a été coupé de sa source d’approvisionnement. Aujourd’hui, la zone d’alimentation est beaucoup plus réduite, c’est le karst du Moucherotte, dont une partie des écoulements se fait bien plus en profondeur. Aussi les galeries sont sèches : nous ne croiserons l’eau qu’en de rares endroits: « l’Oasis » (une sorte de source qui se perd aussitôt, mais on peut s’y abreuver), « la Marmite », et le lac souterrain au plus profond de notre sortie.
L’ensemble du réseau que nous traversons se développe dans les calcaires Urgoniens, formés il y a plus de 120 Ma ( = Millions d’années).
Le réseau est parfois paumatoire mais de nombreux morceaux de scotch, de rubalise et des cairns facilitent le cheminement, nous n’aurons pas à hésiter souvent. Nous rampons un peu dans les désobstructions passées, descendons quelques petits puits, traversons un passage de roches noircies se découpant en un dentelage tourmenté comme un décor d’héroic fantaisy un peu punk, et aboutissons au « puits Nasa ». On s’use encore un peu les coudes et les genoux jusqu’à la « salle des Pets ». Là, ni bruit ni odeur remarquable: le nom de la salle doit être une « private joke » des explorateurs.
Nous longeons la galerie des « Fleuves Impassibles », nous abreuvant au passage à la courte cascade de « l’Oasis », aménagée pour accéder plus facilement à l’écoulement.
Après « les marmites » et du crapahut sur le « Chaos de Sisyphe » se trouve la zone où il ne faut pas se tromper: notre descriptif guide vers le « Black Hole » (95 m) mais nous voulons l’éviter pour atteindre la « galerie des Travaux Publics ». Après avoir failli nous égarer vers le « réseau du jardin d’enfant », Fred déniche des cordes équipées en fixe qui, par 2 puits, nous permettent d’atteindre la galerie désirée à – 254 m sous l’entrée.
Là c’est l’extase: les parois sont recouvertes de bouquets de blanche Aragonite, des concrétions qui ressemblent à des étoiles de neige cristallisées et en 3D.
L’Aragonite est la forme stable du CaCO3 (carbonate de calcium) dans des conditions de haute pression. Comment ce carbonate peut-il cristalliser dans cette grotte dépourvue des enzymes qui sont d’ordinaire en jeu, et soumise à une pression atmosphérique en deçà des conditions de formation habituelles ? Les chercheurs cherchent toujours, mais préviennent que la grotte Vallier offre des conditions non pas « stables » mais « métastables », et qu’au fil des millions d’années cette aragonite se transformera en calcite. Cela laisse un peu de délai pour les prochaines générations de Vulcains.
Quelques escalades sont équipées en fixe et nous poursuivons jusqu’à un petit lac souterrain magnifique. Nous n’avons pas prévu de maillot de bain, donc il est temps de revenir.
10 h 30 après notre entrée nous sommes de retour sur le seuil de la grotte. Il fait nuit, en bas les lumières de Grenoble scintillent, nous sommes fatigués mais éblouis. Un couple de spéléo venu du Sud est venu bivouaquer dans ce décor splendide, le matériel dispersé autour d’eux indique qu’ils comptent faire des photos d’anthologie.
Il reste une bonne heure et demie de descente raide sur un sentier boueux, et les douze coups de minuit ont déjà sonné quand nous pouvons enfin nous changer aux voitures et bivouaquer non loin.
Le lendemain, levés tôt, nous partons vers de nouvelles aventures. Stéph propose un petit canyon dans la grotte de l’Olette. Comme Florent et moi n’avons pas de néoprène, nous faisons une courte randonnée dans les gorges du Bruyant. Le Bruyant est un affluent du Furon, et surtout c’est la rivière souterraine qui courait jadis dans la grotte Vallier et désormais dans un réseau karstique plus profond. Nous arrivons à la vaste résurgence puis redescendons retrouver le reste de la bande ravi de sa sortie.
Nettoyage des cordes dans le Bruyant, picnic, et c’est le retour à Lyon. Nous avons les yeux cernés par la nuit courte mais comme toujours nous sommes impatients de la prochaine sortie. Qui justement est prévue la semaine d’après.