Aïe ! Un juron m’échappe tandis que je me cogne violemment le genou contre la pierre en tentant d’enfiler mon collant dans un froissement de couverture de survie. Je suis allongé sous un énorme rocher en forme d’abri, nous sommes au milieu de la nuit et il fait terriblement froid. Je sens la fatigue presque palpable couler dans tout mon corps. Clément stoïque attend patiemment à côté que je reprenne des forces et s’amuse à prendre quelques photos de mes contorsions. Nous sommes dans la nuit de samedi quelque part entre Vogealle et le lac Cornu et nous avons déjà parcouru plus de 250 kilomètres et gravi l’équivalent de trois Everest depuis lundi matin.
J’arrive enfin à m’habiller un peu et tente de dormir…en vain. De temps en temps De les pas et les mots échangés par d’autres coureurs qui passent sans s’arrêter ni se douter que nous sommes à quelques mètres de la trace.
Comment résumer cette semaine de folie que représente la Petite Trotte à Léon qui n’a de petite que le nom ? Plusieurs semaines après je n’ai qu’une masse informe de souvenirs qui s’accumulent tels les cailloux que nous avons arpentés 6 jours durant. Si ma vie s’apparentait à un chemin ces souvenirs formerait une sorte de cairn qui le marquerait à jamais.
Reprenons depuis le début : tout à commencé l’an dernier quand Laurent et moi avons eu l’idée farfelue, pour le trentième anniversaire de Clément, de lui offrir un ticket pour cette troisième PTL à réaliser ensemble. Bien entendu c’est un cadeau intéressé ! Nous savons pertinemment qu’en plus de cette aventure extra-ordinaire nous sommes désormais assurés de passer pendant les six prochains mois de multiple week-end ensemble pour les entrainements et recos préalables, et ce dans des endroits que le monde entier nous envie !
Bref en ce lundi matin de fin aout nous voilà tous les trois sous l’arche du départ, place du triangle à Chamonix. Judith et Charlotte, bien que travaillant le lendemain sont avec nous pour nous encourager. Bien que ce soit ma quatrième participation je suis toujours aussi nerveux et j’attends avec impatience la musique de Vangelis qui donne le départ.
Cette année nous tournons autour du Mont Blanc dans le sens contraire aux aiguilles d’une montre : France- petit st bernard- Italie -val ferret- Suisse et retour en France par Salanfe et le Buet
Première partie : Lundi-Mardi, France
Brevent – Rognes-Plan Glacier – Casermetta , décès d’un coureur, abandon de Laurent
Souvenirs d’un premier coucher de soleil splendide vers plan glacier, des premiers équipements fixes avec casque obligatoire pour arriver au refuge dans la nuit, d’une part de gâteau au chocolat , d’un gars qui recrache tout ce qu’il avale et c’est reparti pour le col de Seigne sans s’arrêter comme à notre habitude pour la première nuit. (Technique éprouvée !)
Le mardi matin on nous annonce le drame : un concurrent s’est tué en faisant une chute dans la montée à plan Glacier…C’est la consternation, nous savons que la montagne est dangereuse mais c’est la première fois de toute son histoire qu’un tel accident arrive sur la PTL et nous sommes sous le choc, pensant vraiment abandonner la course. Nous nous rappellons que lors de notre dernière participations nous avions fait part à l’organisation de nos craintes en matière de sécurité par rapport aux difficultés techniques pour des participants non habitués à la montagne. L’organisation nous laisse le choix après avoir expliqué que l’accident ne s’est pas passé ni sur une portion hors piste , ni sur les parties équipées d’échelles et de mains courantes mais sur un chemin de randonné fréquenté ou la sente est étroite et borde une forte pente. Finalement nous décidons (comme la quasi-totalité des autres participants) de continuer l’épreuve. C’est sans doute ce qu’il aurait voulu. Malheureusement un autre coup dur vient entamer notre moral : Laurent, notre invincible warrior , n’arrive pas à trouver son souffle , il halète et peine à suivre, victime il y a moins d’un mois du Covid il n’a pas encore retrouvé toutes ses capacités. Nous l’incitons à continuer quand même, après tout il est presque aussi rapide affaiblit que moi en pleine forme, mais rien n’y fait sa décision est prise et pour ne pas nous ralentir il décide d’abandonner à Casermetta . Plus le choix maintenant, l’abandon m’est interdit (le règlement stipule qu’on ne peut terminer seul la course).
Deuxième partie : mercredi-jeudi-Italie :
Mont Lechaud-Mont Ouille-PSB-Refuge Deffeyes-Descente de la Becca Pouegnenta-Première base vie à Morgex-Col du bataillon d’Aoste-Malatra-Refuge Frassati-Col Fourchon-La Fouly
Des cailloux, des cailloux et des cailloux
Tout est dit avec ce simple mot, souvenir de chevilles tordues, de pierres qui se retournent en frappant les mollets en permanence sur des plaines de cailloux sans chemin ni rien d’autre que la trace pour nous indiquer le chemin. Epuisant surtout pour le moral. Les équipes commencent sérieusement à se clairsemer et nous sommes souvent seuls. Au refuge du Petit St Bernard nous réussissons à croiser en coup de vent l’équipe des marmottes insomniaques avec Bruno et Delphine, pour l’instant tout va bien.
La descente de la Becca Pouegnenta me laisse le goût amer de m’être fourvoyé dans la route et d’avoir perdu un temps fou ! Evidemment pas de trace et je n’ai pas osé suivre Clément dans une désescalade risquée. Je me suis retrouvé à devoir en faire une presque plus délicate une fois arrivé sur un cul de sac…S’ensuivit un passage en forêt qui nous aurait réjouit s’il s’était agit d’un terrain facile mais que nenni ! buissons serrés et griffant, bruyères rases et résistantes et enfin une cavalcade sous les pins en dérapant sur les pignes et les aiguilles tout en essayant d’éviter de se faite fouetter le visage par les branches basses. Heureusement sur cette partie nous sommes rejoint par la sympathique équipe des jurassiens Stachmous et c’est toujours plus facile à plusieurs !Nous arrivons ensemble à la base vie de Morgex où nous attends notre sac et les fameuses lasagnes. Il était temps, cette première section en autonomie à vidé mes réserves de nourriture et nous sommes limite en batteries. Plusieurs possesseurs de montre GPS, dont moi, sont avec un bel écran noir qui refuse de redémarrer, un comble alors qu’il y a une team Garmin, même eux n’arriveront pas à la réparer…Bon,moi qui l’avais achetée pour l’occasion je me retrouve avec une montre qui ne me donne même plus l’heure ! je la garderai jusqu’à l’arrivée uniquement pour ne ps attraper un coup de soleil sur la peau qu’elle couvrait. Nous sommes partis depuis 3 jours !
Une fois reposé, douché et changé la reprise se fait dans la bonne humeur, ni Clément ni moi ne souffrons d’ampoule ou de blessures et seule l’absence de Laurent nous empêche d’être enthousiastes.
J’ai gardé le souvenir d’une nuit étoilée incroyable de sérénité et de beauté dans le val d’aoste.
Nous basculons en suisse par le col fourchon, complètement lunaire et avec une descente sur un interminable pierrier pentu que j’ai descendu entièrement en appui sur mes bâtons.
Arrivé à la Fouly nous en profitons pour nous restaurer et un peu plus tard vers la Deuve je m’offrirai même une glace, au grand dam d’un certain Clément qui aurait bien continué après que l’on ait grillé plusieurs équipes dans une longue descente roulante, mais qui compris vite que c’était non négociable. En dégustant mon cornet j’entame la discussion avec un club de lectrices dont l’une m’avoue au moment de se séparer qu’elle a des cousins qui aiment bien courir, leur nom ? les frères Gabioud ! (qui termineront premier et ne sont à ce moment là à moins de 24h de leur arrivée)
Champex et la fameuse montée de Catogne seront au menu de notre jeudi soir. Nous y retrouveront nos amis le couple mythique Jeepee et Natsuko qui font les bénévoles au sommet.
Troisième partie ; vendredi-samedi-dimanche matin, Suisse
Trient-Refuge d’Emaney-Lac de Salanfe-Cabane de Susanfe- Tête des Otans-Vogealle-Buet-Lac Cornu-Flegere-Chamonix
Fatigue, pourquoi on prend pas la route ? fait chier ce détour !, chic voilà Laurent !
Trient deuxième base vie nous permet de nous refaire une santé, ce n’est pas sans un certain effroi , mais quand même aussi un peu de fierté, que nous regardons le tableau bilan d’avancement des équipes avec une majorité de croix rouges signifiant les abandons.
La suite devrait être plus facile, pensions nous, car on avait fait la reco un mois auparavant. La réalité sera que , d’un on fait pas le Luisin car gros nuages (et ça nous déplait pas !) de deux quand on est de nuit et fatigué on reconnait rien de ce qu’on a reconnu de jours frais et dispos.
Le tour du Luison par Emaney nous fait découvrir i=un refuge trop sympa avec un gardien qui nous joue un air à la guitare pendant que je fais une sieste dans la pelouse, grand souvenir !
A salanfe Laurent nous attend et vient à notre rencontre , ca fait du bien de le revoir ! On repart vers la cabane de susanfe où nous arrovons en pleine nuit du vendredi accueilli par un bénévole qu’on ne remerciera jamais assez ! Puis on escalade les echelles avec casque, baudrier et longes pour gfranchir la tête d’Otan et redescendre sir Vogealle toujours de nuit. Heureusement nous avons eu le temps d’apprécier le paysage lors des recos. Je ne sais même plus si c’est à ce moment là ou après avoir franchi le mont buet dans les brumes que j’ai eu besoin de m’allonger sous un rocher pour reprendre des forces mais en tout cas je me rappelle qu’on était tous les deux très zombis sur cette portion !
On jardine bien pour remonter hors sentier sur le lac cornu dans la nuit de samedi et enfin on aperçoit la Flegere, signe de l’arrivée proche. Laurent nous y retrouve et nous ferons la descente ensemble , je traîne la jambe avec une douleur au tendon mais ca tiendra jusqu’en bas. Romain est là, nos compagnes aussi, ma mère qui loge maintenant sur Chamonix est venu voir l’arrivée et c’est émus que nous passons l’arche pour cette édition qui , je le jure (pour la 4eme fois) sera ma dernière !