Sortie aux Chuats 2. Spoiler: on n’atteint toujours pas la Rivière d’Or, mais ça viendra.

du 28/09 au 29/09/2024 | Font D'Urle (26 - Drôme) | France

Par deux fois déjà nous avions annulé des sorties aux Chuats pour cause de météo humide; cette fois c’est la bonne. Certes il bien plu les jours précédents et il y aura des averses pendant notre descente, mais ça devrait passer.
La grotte d’entrée des Chuats, située à Font d’Urle dans le sud Vercors, a été découverte dans les années 60. Mais c’est beaucoup plus récemment, dans les année 2010, qu’un peu de désob’ bien ciblée a ouvert les portes d’un réseau si vaste et si prometteur qu’un interclub s’est constitué pour l’explorer.

Une large partie des cavités sont (très bien) équipées en fixe: il ne faut qu’une corde pour le puits d’entrée et une autre pour doubler un puits très profond.

Arrivés le matin à Font d’Urles sous une bise glaciale, nous rencontrons un jeune couple à l’entrée du site. Comme par hasard, ce sont des spéléos des Geckos, venus apporter quelques tôles sur un des scialets. Ils nous donnent quelques indications précieuses sur le parcours sous terre.
Nous traversons les landes dans un épais brouillard, la brise froide claque une pluie fine sur nos casques, on se croirait dans « les Hauts de Hurlevent » mais il n’y a là ni Heathcliff ni Cathy, juste quelques chevaux détrempés mal abrités derrière un front rocheux. La visibilité est réduite, pourtant en moins d’une demi-heure nous trouvons la profonde doline au fond de laquelle l’entrée du Scialet Chuats II est fermée par une tôle.

Fred équipe l’entrée à 11h30 et après un étroit P15 traversant des calcaires de l’Urgonien inférieur, nous arrivons dans la Grande Salle, taillée dans la couche de Marne de Font-Froide dont on voit les restes en périphérie. Au fond, par une chatière, nous accédons à une trémie bien consolidée par de solides tubes en inox. Plus bas le sol caillouteux et ruisselant est stabilisé au moyen d’un grillage chevillé à la roche; au dessus plusieurs couches de bâches suspendues au plafond dévient le torrent qui se jette dans le puits: nous admirons le travail des spéléos, c’est tout récent et très confortable.

Évitant le laborieux Réseau Historique, nous descendons la Voie Royale, un P75 impressionnant, parsemé de fractionnements et de mains courantes aériennes pour rester hors d’eau. Au pied de cette salle gigantesque sont les « Sapins d’Argile »: le sol est couvert de reliefs variés creusés dans une argile qui résiste bien à la marche; des ruisseaux s’y faufilent et des monticules évoquent une forêt de sapins.

Plus loin, sans traîner dans la salle du Bivouac, nous évitons la conduite forcée du Paléo-siphon, mangeons un morceau et gagnons la galerie du Shunt.
Quittant le calcaire bioclastique ( sédiments de coquillages) pour le calcaire argileux dans une fraction du Collecteur de Quint, nous laissons celui-ci pour descendre le P55. Là encore les volumes sont spectaculaires: la salle fait plus de 70 m de haut pour une vingtaine de large, on pourrait y installer la flèche de Notre Dame sans qu’elle touche le plafond.

À peine le pied posé sur le pierrier de la Grande Muraille à -180 que nous enchaînons par un nouveau puits et pénétrons la Galerie Boueuse – un nom bien mérité – à -210 et grimpons jusqu’à la Salle Verna. Une nouvelle fois tout est ample et grandiose. Un large lac sans profondeur y est retenu par un muret de gours, une cascade tombe du milieu de la voûte.

Une petite escalade plus loin et nous voilà dans le Boyau des Taupes. C’est étroit, on rampe, mais ça reste fort raisonnable. Nous enchaînons avec la salle des Chuats- Boue mais au fond: mauvaise surprise ! La galerie des Playmobils est inondée, nous n’avons pas de néoprène. Il faut nous faire une raison: la mythique Rivière d’Or nous échappe encore…
Nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur, d’autant que nous aurions tort de râler car jusque là tout était si ample, si formidable, que cela valait le déplacement.
Nous retournons vers la salle du Bivouac, où quelques gamelles et sacs de pâtes sont entreposés.
Nous n’avons pas vraiment de topo pour d’autres itinéraires, mais tentons la direction des Coupoles Coniques. Nous atteignons des couloirs et des salles recouverts de Mondmilch séché: on dirait que le sol et les parois ont été chaulés. À mi-hauteur la couleur blanchâtre s’arrête net, indiquant un niveau d’eau très ancien.
Une pompe rustique et un canot gonflable gisent là sur le sol albâtre, au bout d’une longue corde parcourant au sol les galeries suivantes. Pourtant pas d’eau ici, tout est sec. Comment se fait il que la galerie des Playmobils soit inondée, tandis que cette zone d’ordinaire pleine d’eau en est aujourd’hui complètement dépourvue ? Mystère à résoudre.

Encore un peu d’escalade nous mène au Gour Mélissa. Mélissa était une jeune spéléologue expérimentée et aguerrie, pourtant et malheureusement elle s’est tuée dans un gouffre lors d’une expédition en Chine, qu’elle faisait en compagnie notamment de…. Fred Delègue ici présent, qui m’avait déjà raconté cet épisode.
Ceux qui ont nommé ce gour « Mélissa » lui ont rendu un bel hommage car l’eau y contient de l’Aragonite coralloïde, mi-solide mi-liquide, traversée de couleurs chamarrées et chatoyantes aux formes improbables. Alentour, au milieu des fistuleuses et stalactites, toutes sortes de dépôts de calcite variés et colorés étonnent le regard.

Fred et Louison se concertent avec les yeux qui brillent sur un vague plan du réseau: et si on pouvait par là rejoindre les Chats Perchés et faire une boucle ? Nous descendons une succession de petits puits et de ressauts dans le Méandre de Janvier, jusqu’à ce que Fred bute sur un nouveau siphon: nous devons revenir sur nos pas.

Remontée du P55, du P75…Pas avares de nos efforts, nous sommes tous dehors vers 22h30. La pluie a cessé, la nuit est tombée, la Voie Lactée s’étale dans le ciel, mais un vent glacial hurle à nos oreilles et glace nos os dans nos combinaisons détrempées tandis que nous nous hâtons jusqu’à la voiture.
Mauvaise surprise: le haillon arrière est bloqué, nous ne pouvons accéder aux précieux vêtements secs ! Nous finissons par réparer la fermeture coincée par un bout de bâche. Sur les routes désertes nous traversons Vassieux et bivouaquons sur une prairie en bordure de forêt. En perdant de l’altitude nous sommes passés de 1 à 3 degrés: on aurait presque chaud. Fausse impression d’ailleurs car après une bonne nuit, nous découvrons au réveil une fine couche de glace sur nos tentes, sur les vitres de la Kangoo et sur l’herbe.

Le dimanche nous visitons le porche de la Grotte de la Luire, là même où 70 ans plus tôt les soldats allemands massacraient les rescapés du maquis du Vercors. Après un peu de retard suite à un conflit entre Fred et Google Maps sur l’itinéraire (la route des Goulets était fermée pour travaux dans sa partie basse, occasionnant un aller retour pour rien. Google connaît parfois des choses que nous ignorons…) nous lavons les cordes et notre matériel dans la Vernaison près des Baraques en Vercors, faisons honneur au saucisson et à la viande séchée, puis par la route de Choranche rentrons à Lyon la mine terne mais l’œil vif et heureux.

Nous reviendrons et nous la longerons, cette Rivière d’Or !

TPST: 10h

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